Les Fourons
à Strasbourg (La Cité, 22 mai 1984)
Une
délégation officielle de l'Exécutif de la Communauté française a participé
mardi et mercredi à une audition publique de la Conférence permanente des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de
l'Europe à Strasbourg. Jean-Louis Xhonneux en faisait partie pour représenter
les Fourons. La délégation était conduite par Pierre Legros, président des
mandataires communaux francophones de la périphérie de Bruxelles, et elle
comprenait en outre le député Georges
Clerfayt, Dominique Capart et Eric
Poswick, conseillers communaux des différents partis de la périphérie.
Cette
audition regroupait plus de deux cents participants venant d'une vingtaine de
pays différents et représentant des langues régionales et minoritaires,
telles que l'auvergnat, le breton, le catalan, le rhéto-romanche, le frison et
même le wallon.
La
séance se déroulait dans l'hémicycle du Palais de l'Europe où siègent
normalement les parlementaires du Conseil de l'Europe et où se tiennent les
sessions du Parlement européen.
Jean-Louis
Xhonneux y a fait la déclaration suivante à l'occasion de la discussion du
thème «Relations avec l'administration - Participation à la vie publique»
«Les
Fourons ne sont qu'une commune de 4.200 habitants occupant environ 5.400 ha
coincés entre la frontière du Limbourg hollandais et la province de Liège.
«A
la suite d'un marchandage féodal, notre région a été détachée en 1963 de
la province de Liège au profit de la province flamande du Limbourg contre la
volonté clairement exprimée de la population. L'évolution récente de la
Belgique régionalisée et communautarisée nous isole de plus en plus en
Flandre, alors que nous sommes en réalité entièrement tournés vers la
province de Liège.
« Les
médias ont donné des Fourons l'image d'une région où règne régulièrement
la violence. Bien que cette information ait contribué à diffuser l'existence
de problèmes liés à la fixation de la frontière linguistique en Belgique, je
dois la rectifier en vous précisant que nous ne connaissons que rarement la
violence physique, mais que nous subissons une pression morale permanente.
«Malgré
beaucoup de difficultés, nous parvenons à développer un enseignement
maternel et primaire en langue française et à maintenir en activités plusieurs
groupements culturels de langue française. Nous sommes en effet censés jouir
de facilités accordées à la minorité francophone Or, tous les scrutins qui
se sont succédé depuis 1983 ont démontré que les francophones sont en réalité
majoritaires. Nous occupons 10 sièges sur 15 au Conseil communal et ce sont très
paradoxalement nos droits politiques qui sont les plus menacés.
«Une
disposition de la loi droits politiques des citoyens. électorale européenne
adoptée récemment par le Parlement belge interdit à un francophone de se présenter
sur une liste du collège électoral flamand. On nous force en quelque sorte à,
voter pour nos adversaires.
« Voilà
pourquoi nous nous abstiendrons le 17 juin prochain malgré notre intérêt pour
l'Europe.
«L
évolution de la jurisprudence du Conseil d'État nous fait craindre la généralisation
de la discrimination linguistique introduite dans la loi électorale européenne.
«Les
autorités flamandes s’acharnent contre nos élus sous le prétexte qu'ils ne
connaissent pas le néerlandais. Notre bourgmestre, José Happart, a été déchu
pour cette raison par la députation permanente du Limbourg et il ne doit
provisoirement son maintien en fonction qu'à un recours devant une Chambre
flamande du Conseil d'État .
«Cette
même Chambre du Conseil d État a déjà précisé que les élus doivent se
soumettre à un examen linguistique et que ce qu'ils diront, au Conseil communal
dans une autre tangue que le néerlandais sera sans suite juridique. Ces deux
exemples suffisent pour vous démontrer le peu de confiance que la Chambre
flamande du Conseil d'État nous inspire.
«C'est donc avec espoir que nous nous tournons vers la Conférence permanente des pouvoirs locaux pour que les droits politiques des francophones des Fourons soient garantis. »
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© jlx@wallon.net - Dernière modification le 24/12/2005