Chers congressistes,
Permettez-moi de remercier
d'abord "Wallonie libre" qui a
demandé à un fouronnais de
traiter le chapitre de son rapport consacré à ce problème des Fouron qui
sensibilise le monde politique belge.
A la 4ème Conférence
des Communautés ethniques à Québec, M. Roland BEGUELIN disait le 31 mars 1978
que face à la volonté d'assimilation de la part de son oppresseur, une
communauté acculée au désespoir de maintenir son identité n'a plus qu'une
seule ressource : la violence.
Le lendemain, mon ami Jules
GOFFARD, parlant au nom d'Action fouronnaise, disait : "Le spectre de la
violence est en train de se concrétiser dans la région fouronnaise : les
mandataires politiques wallons y prennent une lourde responsabilité."
C'était le 1er
avril 1978.
Le 2 avril 1978, le T.A.K.
(Taal Aktie Komité) et le V.M.O. (Vlaamse Militanten Orde) provoquaient des
incidents très graves et très violents à Mouland et Fouron-Saint-Martin.
Alertés par téléphone, nous avons hésite à vous en faire part pendant le dîner
de clôture au Château Frontenac, car nous n'étions pas en mesure de vérifier
l'information. Cela nous paraissait tellement grave que nous n'osions y croire.
Il a fallu que nous
attendions notre retour en Belgique pour apprendre ce qui venait d'arriver.
Alors que notre Bourgmestre
avait interdit cette promenade (c'est ainsi qu'ils appellent leurs
manifestations), le Ministre de l'Intérieur (H. BOEL, socialiste flamand) et le
Gouverneur du Limbourg (social-chrétien flamand) l'avaient autorisée sous le
prétexte qu'une promenade touristique ne peut être interdite en vue du
maintien de l'ordre.
Les flamingants ont ainsi
pu polluer les Fouron, sous la protection des gendarmes flamands, molestant les
francophones. Bilan : 5 francophones blessés par les gendarmes. Les
flamingants ont défilé au pas cadencé, chantant des marches militaires et
montrant des croix gammées.
Six semaines plus tard,
c'est un car rempli de flamingants qui s'arrête devant un café wallon à Rémersdael
un samedi soir. Par des chants flamands et des slogans flamingants, ils
provoquent les quelques clients présents. La population réagit avec
promptitude. Les flamingants doivent prendre la fuite dans un autocar qui
subit quelques dégâts (vitres brisées).
Le 14 juin 1978, un engin
fumigène est lancé contre la devanture de la pharmacie flamande (dont
l'installation récente a été très critiquée) de Fouron-Saint-Martin. Les
autorités judiciaires en profitent pour renforcer très sérieusement la
gendarmerie.
Le 27 août 1978, une
manifestation flamande est autorisée à Fouron-le-Comte. Le T.A.K. et le V.M.O.
provoquent des incidents à Rémersdael.
Lors des élections législatives
du 17 décembre 1978, un produit chimique introduit dans certains urnes, a rendu
des bulletins illisibles. 58% des fouronnais ont suivi les consignes d'Action
fouronnaise en remettant un bulletin blanc ou nul. A cause de quelques
incidents, de nombreux renforts de gendarmerie arrivent d'Anvers.
A ce propos, un journal libéral
écrit ; "Partout en période électorale il y a des heurts et des
escarmouches mais la présence des forces de l'ordre a pour effet d'apaiser les
esprits. A Fourons il aurait pu en être de même si la gendarmerie n'était pas
sortie de son rôle".
Le 28 janvier 1979, la
gendarmerie se sert de chiens pour disperser des francophones. Les déclarations
du Ministre de l'Intérieur à ce sujet soulèvent la colère et l'indignation
en Wallonie. D'après ce Ministre socialiste flamand, le chien était en état
de légitime défense. A la suite de cet incident, M. A. HAUDESTAINE démissionne
de son poste de chef de cabinet du Ministre de l'Intérieur.
Le 6 février 1979, le
T.A.K. proclame que le problème fouronnais ne peut être résolu pacifiquement.
Je signale que sa solution c'est la flamandisation intégrale par la suppression
des facilités accordées à la majorité francophone que la loi appelle
"minorité".
Notre manifestation du 11
mars 1979 a recueilli un succès inespéré. Mais malgré les promesses
obtenues, la gendarmerie a permis à des contre-manifestants de s'infiltrer
dans les Fouron et de bloquer ainsi notre cortège. Il n'y eut cependant aucun
incident grave à signaler.
RADIO FOURONS-WALLONIE, la
radio libre et donc illégale des Fouron, a été créée à ce moment. Elle
diffusera bientôt sa trentième émission hebdomadaire,malgré les recherches
entreprises contre elle par les autorités judiciaires et la gendarmerie. Son écoute
augmente de semaine en semaine.
Le 8 avril, le T.A.K.
organise une soirée de cinéma. Par un tract très provocateur, il invite tous
les fouronnais à voir des "images non censurées de l'invasion flamande à
Mouland le 11 mars 1979". Des militants de l'Action fouronnaise qui veulent
assister à ce spectacle sont refoulés violemment. Des incidents éclatent dans
l'obscurité la plus totale ; l'électricité est coupée dans toute la région.
Un gantois se blesse gravement en poursuivant des francophones dans une prairie.
Ils en ont fait leur martyr.
Une nouvelle promenade
flamande est annoncée pour le 20 mai. Soumise à d'énormes pressions,
l'administration communale (nous y détenons une majorité de 10 sièges sur 15)
accorde une autorisation pour des itinéraires bien déterminés. En dehors de
ceux-ci, les flamingants rencontrent notre président, José Happart, et le
frappent à coups de poings.
A Fouron-le-Comte, la
gendarmerie les dispense obligeamment de se fatiguer ... en chargeant des
militants francophones qui observaient le cortège. Non sans avoir violé une
propriété privée, elle procède à cinq arrestations.
Le 21 mai, le juge
d'instruction de Tongres inculpe les cinq Wallons arrêtés par les forces
d'occupation de "rébellion et destructions". L'émotion grandit chez
les fouronnais, qui vont réveiller le nouveau Ministre de l'Intérieur (Georges
GRAMME, Sénateur-Bourgnestre social-chrétien de Herve, à 15 km des Fourons) à
son domicile vers minuit. Il reçoit courtoisement une délégation et promet d'évoquer
la question avec son collègue de la Justice.
Le 22 mai, l'Action
fouronnaise prend une initiative spectaculaire. Profitant d'une visite royale à
Verviers, José Happart obtient, par la médiation de M. Gramme, un entretien de
quelques minutes avec le Roi Baudouin sur le bord de l'autoroute. Comme son
ministre. le roi invoque la séparation des pouvoirs pour éluder une
intervention dans le cours de la procédure judiciaire. Néanmoins, il laisse
entendre qu'il favorisera l'apaisement. A tout le moins la suite des événements
permet-elle de renforcer cette interprétation de paroles vagues et - oh combien
! - prudentes.
Les cinq patriotes arrêtés
sont libérés le 23 mai et reçoivent un accueil triomphal à
Fouron-Saint-Pierre où leurs amis les attendent à leur retour de la prison de
Tongres. Mais en Flandre, c'est le tollé. Le personnel politique et la presse
se déchaînent contre le Roi Baudouin, obligeant le gouvernement à couvrir la
couronne en rappelant que l'entrevue avec José HAPPART a eu lieu sous la
responsabilité politique d'un ministre.
Le week-end des 26 et 27
mai est calme dans les Fourons. Les francophones s'abstiennent de troubler
l'inauguration de l'école provinciale flamande à Fouron-le-Comte (cérémonie
marquée par des propos très agressifs du gouverneur du Limbourg) et les
flamands s'abstiennent de paraître à une messe en français célébrée à
l'occasion des communions solennelles.
Le 30 mai commence le débat
à la Chambre sur "l'affaire". Le folklore parlementaire est au
rendez-vous : interpellations pour la galerie, hurlements, claquements de
pupitres, invectives ... La démission du Ministre Gramme est exigée par les
flamingants, mais les élections européennes sont proches et la confiance au
gouvernement est votée à la veille de celles-ci.
Alors que le vote est
obligatoire en Belgique, 5O1 fouronnais décident de ne pas voter et de brûler
leurs convocation devant le bureau principal. A l'occasion des élections
européennes, les consignes d'Action fouronnaise sont de nouveau suivies par près
de 60 % des fouronnais.
Il y a maintenant des
incidents toutes les semaines.
La semaine dernière, des
membres du V.M.O. (président-führer compris) ont été surpris, alors qu'ils
cachaient des armes. Interrogés par la gendarmerie, ils ont été relâchés à
Tongres après quelques heures.
Le Ministre de l'Intérieur
a publié ce communiqué inquiétant le 24 août 1979 ;
"Je constate que la
situation dans et autour des Fouron se détériore. Des armes ont été découvertes
: ceci constitue une aggravation de la menace contre la sécurité des
personnes et des biens, contre l'ordre public en général.
"La vie en commun à
Fourons et ailleurs n'est possible que dans le respect des gens, de leur manière
de vivre, de leur culture.
"Le Gouvernement a dit
sa volonté de voir régner un climat de pacification communautaire.
"En ma qualité de
ministre de l'Intérieur, j'ai été averti de nouvelles et très graves menaces
qui pourraient se concrétiser dans les prochains jours et les prochaines
semaines. J'envisage d'ailleurs de m'en ouvrir au Parlement.
"Dans le cadres de mes
responsabilités de gardien de l'ordre public au plan national, j'ai arrêté
avec la gendarmerie un plan d'action destiné à donner aux mesures d'ordre
public, décidées par les autorités locales et provinciale compétentes, tout
l'impact voulu. Il en résultera un renforcement considérable des activités de
contrôle et de surveillance de la gendarmerie, spécialement vis-à-vis des
personnes étrangères à la région concernée.
"Ces mesures entreront
immédiatement en vigueur."
Le dimanche 26 août, il y
a eu 16 arrestations et un blessé hospitalisé à Liège. Bien entendu, ce sont
tous des wallons. Par une lettre ouverte adressée avant-hier au Ministre de
l'Intérieur notre mouvement se dit très déçu par l'impuissance de ce
ministre. Les ordres de contrôle et de surveillance qu’il a donnés ne
sort pas respectés par la gendarmerie ; au contraire, elle
en a profité pour s'attaquer d' une manière encore plus bestiale que
d'habitude aux francophones.
Je me borné à vous narrer des faits chronologiquement.
J'aurais pu vous parler également des mille tracasseries quotidiennes que connaît
notre population.
Je vous ai dit que le but
des flamingants, c'est la flamandisation intégrale … A leur théorie du droit
du sol (très contestable, d'ailleurs), nous opposons les aspirations des
habitants et la volonté de vivre en paix.
Pour cela, nous avons défini
des propositions de modification au statut de notre commune. Alors que certains
wallons et bruxellois noua taxaient d'extrémistes, il reconnaissent maintenant
que nos revendications sont raisonnables.
Nous savons qu’il existe
à Fourons une
importante minorité flamande. Cette minorité doit être respectée.
Du point de vue administratif,
nous revendiquons :
a. une tutelle nationale
(puisque nous n'obtiendrons pas facilement le retour à la Wallonie),
b. le bilinguisme des
services locaux et régionaux (système de l'administration de
Bruxelles-Capitale),
c. le reclassement de la
commune, vu son statut particulier et sa situation linguistique.
Pour l'enseignement,
nous exigeons, à côté de notre école primaire communale, la création d'une
école moyenne secondaire francophone dans la commune.
Nous constatons, en effet,
que du côté néerlandophone, il y a
environ 200 enfants en âge d'obligation scolaire,
al ors que nous en comptons environ 350. Cela justifie la création par l'État
d' une infrastructure scolaire francophone semblable à celle qui existe pour la
communauté néerlandophone.
De plus, comme à
Bruxelles-Capitale, l'enseignement néerlandais devrait dépendre du Ministre de
l'Éducation nationale du secteur néerlandais et l'enseignement français du
ministre de l' Éducation nationale du secteur français.
Et les exigences en ce qui
concerne l'enseignement de la deuxième langue doivent être les mêmes dans les
deux secteurs.
Pour les activités
culturelles, nous réclamons la création d'une infrastructure culturelle
pour la communauté francophone de Fourons sur le territoire communal.
Les chiffres de fréquentation
scolaire justifient amplement cette création. De plus, la Maison de la Culture
flamande de l'État n'est pas accessible aux francophones.
Dans le domaine de la Justice,
nous demandons le bilinguisme des tribunaux et de la gendarmerie.
Il faut créer une instance
à laquelle le particulier puisse s'adresser lorsqu'il s'estime lésé dans ses
droits linguistiques.
La législation de 1934 et
1963 devrait être revue pour créer une distinction légale entre un acte
administratif et un acte judiciaire.
Enfin, nous demandons la création
d'une Chambre de Recours compétente pour toutes les matières énumérées
plus haut. L'actuelle Commission permanente de contrôle linguistique se dit
trop souvent incompétente (justice) et elle est trop inconstante dans ses décisions.
De plus, ses décisions ne sont que des avis que les organismes fautifs ne sont
pas obligés de suivre.
Je suppose que vous conviendrez avec moi que ces propositions sont raisonnables. Lorsque tous les parlementaires wallons et bruxellois les auront adoptées, nous espérons qu'ils se battront pour les faire comprendre et adopter, ensuite par leurs collègues flamands. La paix communautaire est à ce prix.
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© jlx@wallon.net - Dernière modification le 24/12/2005