Pour faire « passer la pilule » en 1962, on a donc accordé aux Fouronnais francophones des « facilités linguistiques », qui leur donnent le droit d’établir un certain nombre de rapports en français avec les divers services publics. C’est une exception à l’économie générale de la législation linguistique, une exception au principe de territorialité. Ce principe fait partie inhérente de l’idéologie nationaliste. Une exception au principe de territorialité est donc insupportable pour tout nationaliste bon teint. C’est pourquoi ils n’ont eu cesse de s’attaquer au système des « facilités » et ils arriveront un jour à les supprimer. A cet effet, ils disposent de deux « armes fatales ».
D’une part, l’ineptie institutionnelle qui accorde à chacune des communautés linguistiques, la compétence de mise en œuvre, par le biais de la tutelle administrative régionale/communautaire, des lois concernant la coexistence (harmonieuse ?) des diverses communautés et la protection des minorités. Cette coexistence doit évidemment être réglée par le pouvoir fédéral, en réalité, cela nécessite même des lois à majorité spéciale. Confier l’application d’une telle législation aux états fédérés constitue une incohérence incommensurable. C’est à peu près comme si l’organisation de la lutte antiterroriste était confiée à Al-Qaïda. D’autre part, cette aberration similaire qui se trouve dans la législation sur le Conseil d'État : des textes législatifs exigeant une majorité dans chacun des groupes linguistiques du parlement peuvent être interprétés – et donc pour le moins réorientés – par des chambres unilingues, qui sont l’émanation d’un seul de ces groupes linguistiques. L’affaire des circulaires « Peeters & Co » illustre parfaitement l’efficacité de la combinaison des deux armes. L’autorité de tutelle flamande donne une interprétation pour le moins tendancieuse d’une législation fédérale et elle espère bien qu’un citoyen flamand porte l’affaire devant le Conseil d'Etat.
Dès le début de 1998, nous avions prévenu les Francophones de Fourons de ne surtout pas s’adresser au Conseil d'État. Ailleurs, quelqu’un d’autre l’a fait, avec les résultats que l’on sait : une chambre flamande s’est empressée d’approuver les circulaires.
Pour la Flandre, les chambres unilingues du Conseil d'État, c’est le moyen éprouvé de vider de tout sens le principe des lois spéciales et du « bétonnage » des facilités. Elles lui permettent de contourner à son profit toute loi fédérale qu’elle juge contraire à ses intérêts nationalistes.
Ce stratagème est révoltant. Il faut le rendre inopérant de toute urgence, en modifiant sans tarder la législation sur le Conseil d'État.
Dans la pratique, à Fourons, les circulaires flamandes ont eu comme effet que, chaque année, les Fouronnais francophones sont obligés d’adresser des centaines de demandes de documents en français aux diverses administrations (bon an mal an, un millier de demandes rien que par l’entremise du Commissariat d’Arrondissement de Fourons). Cette situation est incompatible avec les facilités « bétonnées » dans la Constitution.
Comme le permet la loi spéciale des réformes institutionnelles, nous exigeons que la tutelle administrative spécifique quant à l’emploi des langues relève dans les communes à statut linguistique spécial, quant à son organisation et son exercice, de l’État fédéral et ce afin de ne plus relever de l’arbitraire des autorités de tutelle flamande.
Traditionnellement, l’interprétation fédérale de la législation disait que les citoyens ne devaient signaler qu’une seule fois aux administrations leur souhait d’obtenir leurs documents en français, pour les obtenir automatiquement dans cette langue ultérieurement. Depuis 1998, des circulaires émanant de ministres de la Communauté flamande ont introduit, unilatéralement, une interprétation beaucoup plus restrictive de la législation, qui est pourtant de compétence exclusivement fédérale. Le cas a été soumis au Conseil d'État, mais, en application du sacro-saint principe territorial, il a été traité par une chambre exclusivement flamande qui l’a évidemment entériné.
Plus de détails ?
Depuis plusieurs mois, l’administration communale utilise un nouveau stratagème non dépourvu de machiavélisme : le recours systématique aux formulaires. Suite à l’arrêt du Conseil d’État du 12 août 1970 (Ginion et consorts), la législation prévoit que, dans les communes de la frontière linguistique, les formulaires doivent être établis exclusivement dans la langue de la région linguistique.
Si, selon la Commission permanente de Contrôle linguistique (avis n° 31.224 du 9 novembre 2000), rien n’empêche une commune de mettre les documents à disposition de ses habitants en assurant elle-même la traduction, il n’en est rien à Fourons où la flamandisation prend le pas sur le bien-être des citoyens.
Ce phénomène auquel le pouvoir communal flamand recourt systématiquement revient à mettre un terme aux facilités administratives accordées aux Francophones fouronnais.
Le 9 mai 2007, le Parlement flamand a encore ajouté une couche (document 1199 (2006-2007) - n° 2) en insistant sur le prééminence du néerlandais dans la périphérie et dans les communes à facilités et en demandant de renforcer le caractère néerlandais de toutes ces communes. En application de cette politique de néerlandisation, la commune de Renaix, pourtant dotée d’un régime à facilités et donc légalement obligée de faire son affichage en néerlandais et en français, a remplacé les inscriptions bilingues par des inscriptions unilingues néerlandophones en ce mois d’avril 2008.