Bruxelles, le 12 – 01 –2000

 

 

Madame H. Houben-Bertrand

Gouverneur de la province du Limbourg

Avenue de l'Université, 1

3500 HASSELT

 

 

 

NOS RÉFÉRENCES 29.043/C/II/PF MV/FY

 

Madame le Gouverneur,

En sa séance du 9 décembre 1999, La Commission Permanente de Contrôle Linguistique (CPCL), siégeant sections réunies, a examiné une plainte déposée contre la province du Limbourg pour publication unilingue néerlandaise, sur Internet, de renseignements concernant la commune de Fourons.

Il s'agissait des adresses du Bourgmestre, du secrétaire communal et du receveur communal, ainsi que des adresses et numéros de téléphone de la maison communale, de la police et du CPAS.

A la demande de renseignements de la CPCL, vous répondez (traduction) :

 

«Je puis vous confirmer que le website de la province du Limbourg sur Internet est intégralement et exclusivement en langue néerlandaise. ainsi qu'il a été dit dans la plainte.

J'estime toutefois. que la province du Limbourg. en diffusant ce genre d'information uniquement en néerlandais. agit de manière tout à fait conforme aux lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative, au même titre qu'à la Constitution.

Conformément aux dispositions de l'article 34, §1er, alinéa 3, des L.L.C.. la province du Limbourg, dont le siège administratif est situé à Hasselt. à savoir une commune de la région de langue néerlandaise sans régime linguistique spécial, est. en principe, tenue d'utiliser le néerlandais - et rien que le néerlandais - pour les avis, communications et formulaires qu'elle adresse directement au public.

La seule dérogation à ce principe, prévue par les L.L.C., concerne les formulaires que la province du Limbourg délivre directement dans les communes de la frontière linguistique situées sur son territoire, et les avis et communications (et formulaires) qu'elle remet au public d'une commune de la frontière linguistique par l'entremise de cette commune.

Dans ces seuls cas d'exception, l'emploi du français et du néerlandais est prescrit. Il est clair, toutefois, que l'information diffusée sur Internet par la province de Limbourg, ne relève d'aucune de ces deux exceptions. Il ne s'agit pas, en effet, de "formulaires remis directement", ni d'une information diffusée par l'entremise de la commune de Fourons.

En outre, les deux exceptions prévues à l'article 34, § 1 er, alinéa 3, ne peuvent être interprétées de manière extensive et, a fortiori, pas être étendues aux cas non explicitement prévus par la loi. En la matière, je crois pouvoir renvoyer à la jurisprudence constante du Conseil d'Etat (cf. CE, arrêt ville d'Ostende, n° 3102, 27 janvier 1954; CE, arrêt Verheyden, n° 22186, 6 avril 1982) et à celle de la cour d'Arbitrage (n° 17, 26 mars 1986, MB, 17 avril 1986).

Tant le Conseil d'État que la cour d'Arbitrage estiment que l'article 4 de la Constitution prône la primauté absolue de la langue de toute région unilingue et ce, même dans les communes à facilités d'une région unilingue. Selon eux, les facilités linguistiques - lesquelles constituent une dérogation au principe précité - doivent garder leur caractère d'exception pour n'être conférées que dans les cas et dans la mesure où elles sont explicitement prévues par la loi. Eu égard aux dispositions explicites de l'article 34, §1er, troisième alinéa, des L.L.C., tel n'est cependant pas le cas en l'occurrence.

Ces juridictions affirment d'ailleurs que l'article 4 de la Constitution est la garantie constitutionnelle interdisant à toute autorité administrative, et jusqu'au législateur, d'instaurer dans une région unilingue un régime tel qu'il enlèverait à la langue de cette région son statut de langue officielle.

Il ressort dès lors clairement de ce qui précède que la province du Limbourg aurait agi contrairement à l'article 4 de la Constitution et à l'article 3 des L.L.C., si elle avait diffusé l'information en cause via Internet aussi bien en néerlandais qu'en français. Ce faisant, elle se serait profilée comme une province bilingue, ce que de toute évidence elle n'est pas.

Le website unilingue néerlandais de la province du Limbourg correspond dès lors intégralement au prescrit légal et constitutionnel qui, en l'occurrence, n'impose nullement le bilinguisme.

Je crois d'ailleurs devoir souligner qu'il n'y avait, en l'occurrence, aucune justification à diffuser, sur une base purement volontaire, dans les deux langues, une partie de cette information, plus précisément celle concernant la commune de Fourons.

En effet. les avis diffusés par la province du Limbourg ne contiennent aucun élément dont la prise de connaissance serait impérative dans le chef des habitants de Fourons.

En outre. l'information diffusée via Internet par la province, ne s'adresse pas davantage au public fouronnais qu'au public en général, de Fourons ou d'ailleurs. Cela s'applique du reste, en premier lieu, à l'information relative à la commune de Fourons elle-même. Il est clair, en effet, que les habitants de Fourons savent qui est leur bourgmestre, où se trouve leur maison communale, etc. L'information donnée ne saurait, dès lors, être considérée comme s'adressant de manière spécifique "aux habitants de Fourons". Il s'ensuit d'ailleurs que. même en préconisant - de manière contraire aux jurisprudences de la cour d'Arbitrage et du Conseil d'État - une application extensive de l'article 34, §1er, troisième alinéa, des L.L.C., et en estimant que le bilinguisme est imposé pour tous les avis et communications adressés par la province du Limbourg aux habitants de Fourons, la plainte déposée auprès de votre Commission ne pourrait pas être déclarée fondée, justement parce que l'information en cause ne s'adresse pas spécifiquement aux habitants de Fourons.»

 

La province du Limbourg étendant son champ d'activité à des communes à régimes différents de la région de langue néerlandaise et ayant son siège à Hasselt, commune sans régime spécial de la région de langue néerlandaise, constitue un service régional visé à l'article 34, §1er, a, des L.L.C. Aux termes de cet article, un tel service rédige en effet les avis et communications qu'il délivre directement au public, dans la ou les langues imposées en la matière aux services locaux de la commune de son siège.

L'application stricte de la loi aurait comme conséquence que les avis et communications, que la province du Limbourg adresse directement au public, se feraient uniquement en néerlandais, même pour le public des communes à régime linguistique spécial.

C'est pourquoi, dans sa jurisprudence constante, la C.P.C.L. a estimé que l'application littérale de la loi aurait pour effet de rendre impossible le bilinguisme pour les avis et communications destinés au public des communes du ressort, dotées d'un régime spécial, et qu'une telle interprétation irait manifestement à l'encontre de l'économie générale de la loi qui a voulu:

- d'une part, renforcer l'homogénéité des régions unilingues:

- d'autre part, reconnaître des facilités en faveur des minorités linguistiques de certaines communes.

De la jurisprudence constante de la CPCL (avis n°s 1.868 du 05.10.67, 3.261 du 18.11.71, 17.003 du 20.06.85, 19.193 du 22.11.90, 19.203 du 16.01.86, 22.125 du 28.03.91, 23.142 du 22.01.92, 24.134 du 03.03.93, 25.109 et 25.111 du 10.03.94 et 26.053 du 09.02.95), il ressort qu'en matière d'avis et communications au public, un service visé à l'article 34, § ler, a, des LLC utilise le français et le néerlandais

-    quand il s'adresse directement et spécialement au public des communes à régime spécial:

-    pour les documents qui doivent être portés obligatoirement à la connaissance du public de ces communes.

Or, dans le cas présent. les renseignements diffusés sur Internet par la province du Limbourg

-         sont destinés au public en général et non directement au public de la commune de Fourons,

-         sont diffusés à titre purement informatif et facultatif.

 

Partant, la province du Limbourg n'a, en l'occurrence pas l'obligation de faire publier sur Internet, les informations incriminées dans une langue autre que le néerlandais, et la CPCL estime la plainte recevable mais non fondée.

Copie du présent avis est notifiée au plaignant.

Veuillez agréer, Madame le Gouverneur, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

 

Le Président,

A. VAN CAUWELAERT-DE WYELS

 

 

Retour au sommaire des avis de la Commission permanente de Contrôle linguistique.

© jlx@wallon.net  - Dernière modification le 24/12/2005