BRUXELLES, le 16 – 12 – 1994
Rue
Royale 47
Tél.
02/500.21.11
COMMISSION ON PERMANENTE DE
CONTRÔLE LINGUISTIQUE
Monsieur Norbert DE BATSELIER
Ministre-Vice-Président du Gouvernement flamand
Ministre flamand de l'Environnement et du Logement
Rue
Joseph II, 40
1040 BRUXELLES
Votre lettre
du 18.03.94
Vos références : M1/M8/4825/45073
Nos références : 25.138/II/PF JP/DV
Monsieur
le Ministre,
J'ai l'honneur de vous faire savoir qu'en date du 1er décembre 1994,
la Commission permanente de Contrôle linguistique (C.P.C.L.), siégeant
sections réunies, a examiné une plainte déposée le
19 novembre 1993 contre le Ministère de la Communauté flamande, et plus
particulièrement contre la Société flamande de l'Environnement, pour le fait
que celle-ci a envoyé à un fermier francophone de Fourons, M. André SIMONS,
un avis de paiement en néerlandais relatif à la taxe sur l'épuration des eaux
pour 1993.
La plainte signale que le choix linguistique de celui-ci était
bien connu, à la suite de quelques réclamations et d'interventions du
commissaire d'arrondissement-adjoint de Fourons. De plus, dans l'adresse du
billet de paiement, figure le mot "FOURONS", mais non le
"nota-bene" en français que la C.P.C.L. avait préconisé dans son
avis n' 23.057 du 25 juin 1992.
Par votre lettre dont les références figurent ci-dessus,
vous avez fait savoir que dans 1a correspondance avec les entreprises, y compris
les entreprises agricoles, qui sont établies dans la région flamande, le néerlandais
est utilisé comme langue officielle.
Selon la jurisprudence, bien établie de la C.P.C.L., des
avertissements-extraits de rôle ou avis de paiement constituent des rapports
d'un service public avec des particuliers.
La
loi du 9 août 1980 ordinaire de réformes
institutionnelles concerne, en son
article 35, les services du gouvernement flamand dont l'activité s'étend à
toute 1a circonscription de la Communauté ou de 1a Région. L'article 36, § 2
de ladite loi dispose que pour les communes à régime linguistique spécial de
leur circonscription, les services susvisés sont soumis au régime linguistique
imposé par les lois linguistiques en matière administrative aux services
locaux de ces communes pour les avis, communications et formulaires destinés au
public, pour les rapports avec les particuliers et pour la rédactions des
actes, certificats et autorisations.
L'article 12,
alinéa 3, des lois sur l'emploi des langues en matière administrative,
coordonnées par l'arrêté royal du 18 juillet 1966, dispose que dans les
communes de la frontière linguistique (telles que Fourons) les services s'adressent aux particuliers dans
celle des deux langues - le français ou 1e néerlandais - dont ils ont fait
l'usage ou demandé l'emploi.
Selon la jurisprudence constante de la C.P.C.L. (cfr. avis n°
512 du 26 mai
1966, n° 779 du 16 décembre
1965, n° 1.696 du ler décembre 1966, n° 1.872 du 22 juin
1967, n° 4.066 du 6 mai 1976) le mot "particulier" utilisé par les
lois linguistiques coordonnées vise 1e secteur privé par opposition aux
services publics et recouvre à la fois tant les personnes physiques que les
entreprises privées sans la moindre dérogation en ce qui concerne les communes
à régime linguistique spécial.
Il n'y a lieu de faire une distinction entre particuliers
et entreprises
privées
que pour les entreprises privées établies dans une commune sans régime spécial,
auquel cas 1e service public répond à cette entreprise dans la langue de la région
(cfr. articles 19, 25 et 41, § 2, des lois linguistiques coordonnées).
En l'occurrence, s'agissant d'un particulier (entreprise
privée ou personne physique) établi à Fourons, commune dotée d'un régime
linguistique spécial, il y avait lieu, dans tous les cas, pour le service, de
s'adresser dans la langue dont le particulier a fait usage ou demandé l'emploi
(art. 12, alinéa 3).
Même pour les entreprises industrielles, financières et
commerciales, la correspondance entre le service public et l'entreprise concernée
ne tombe pas sous l'article 52 des lois linguistiques coordonnées, comme cela a
été dit clairement lors des travaux préparatoires des lois linguistiques
(Rapport DE STEXHE - Sénat. 1962 - 1963 n° 304 page 13).
Par ailleurs, rien, dans le
dossier, ne permet d'affirmer que M. SIMONS s'est organisé sous forme de société
agricole. Une telle société n'est, du reste, pas une entreprise industrielle, financière ou commerciale,
car l'article 2 du Code du Commerce exclut du champ d'application des sociétés
commerciales les entreprises qui transforment les produits qui relèvent
normalement des entreprises agricoles.
De
toutes façons, la distinction entre particuliers personnes physiques,
entreprises privées, entreprises agricoles ou entreprises tombant sous
l'article 52 des lois linguistiques coordonnées, est irrelevante en ce qui
concerne l'application de l'article 12, alinéa 3, des dites lois, qui concerne
les rapports entre un service public et un particulier établi dans une commune
de 1a frontière linguistique, puisque dans tous les cas, le service public
s'adresse au particulier dans celle des deux langues dont i1 a fait usage ou
demandé l'emploi.
Il y a lieu de remarquer que lors des travaux préparatoires
de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever 1a structure fédérale
de l'État, 1e Conseil d'État a émis le 18 décembre 1992, un avis concernant
l'article 84 (devenu 124) insérant un article 65 bis nouveau dans les lois
coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative.
L'article 65bis, § 4, dispose notamment comme suit: «Le
commissaire du gouvernement, gouverneur adjoint de la province de Brabant
flamand, examine les plaintes relatives au non-respect des présentes lois
coordonnées ou des arrêtés royaux qui s'y rapportent, déposées par une personne
physique ou
morale, concernant des matières localisées
ou localisables dans une commune périphérique. I1 communique les plaintes
qu'il reçoit aux autorités concernées».
Le Conseil d'État a fait l'observation suivante: «Au §
4, alinéa 1er, de l'article 65 bis des lois linguistiques coordonnées, mieux
vaut, pour se conformer à la terminologie utilisée par les lois coordonnées
précitées, écrire "un particulier" plutôt que
« une personne physique ou morale».
Le Conseil d'État confirme clairement 1a terminologie des
L.L.C. et que le mot "particulier" recouvre les mots "personnes
physique ou morale".
Il n'y a donc pas de doute que les particuliers y compris
les entreprises privées, doivent être considérées par opposition avec les
services publics, dans les communes à régime linguistique spécial.
La C.P.C.L. ne peut adhérer à votre point de vue selon
lequel, dans tous les cas, le néerlandais doit être utilisé dans la
correspondance avec les entreprises établies dans la région flamande (donc, y
compris les entreprises privées francophones établies dans les communes à régime
linguistique spécial).
Dans
1e cas présent, la Société flamande de l'Environnement devait adresser l'avis
de paiement en français à M. SIMONS, qui est un particulier au sens de
l'article 12, alinéa 3 des L.L.C., et dont l'appartenance linguistique était
connue.
La
C.P.C.L. estime donc que la plainte est recevable et fondée. Elle vous invite
à faire remplacer par un document en français l'avis de paiement, nul en vertu
de l'article 58 des lois linguistiques coordonnées.
Le
présent avis est communiqué au plaignant.
Veuillez
agréer, Monsieur 1e Ministre, l'assurance de ma très haute considération.
Le
Président,
A. VAN CAUWELAERT-DE WYELS
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© Jean-Louis XHONNEUX - Dernière modification le 24/12/2005