Comment un flamingant

réécrit l’Histoire des Fourons

 

 

 

 

Réfutation des allégations du Prof. Jean BAERTEN (VUB)

 

dans

 

« Harde Vlaamse koppen, de Boeren van Voeren (1995)

 

&

 

Voeren 1921-1995 , de Belgische democratie op Drift (1997)

 

 

 

 

 

 

par

 

 

Albert STASSEN

 

 

 

 

 

En 1995 et 1997 le professeur d’histoire à la VUB Jean Baerten, originaire de Tongres publia successivement « Haarde Vlaamse koppen : de boeren van Voeren » et « Voeren 1921-1995 de Belgische democratie op Drift. »

 

Il s’agit de deux ouvrages de 112 et 206 pages qui prétendent constituer des ouvrages historiques alors qu’il ne s’agit que de pamphlets flamingants pseudo-historiques. Les  pages qui suivent tenteront de souligner les plus flagrantes libertés avec l’histoire que l’on doit déplorer dans ces deux livres, malgré les innombrables recherches historiques qu’il y a lieu de reconnaître à leur auteur.

 

Dans le premier ouvrage, il commence fort en accusant les Limbourgeois néerlandais de faire croire que les Fourons seraient une région d’élevage comparable au Pays de Herve et qu’un changement de paysage coïnciderait avec la frontière.

Il avoue aussi laisser aux philologues des discussions sans fin sur le caractère « néerlandais » ou « allemand » des dialectes thiois parlés entre Liège et Aix , mais il ne se gène nullement tout au long de ses deux livres pour assimiler les utilisateurs du dialecte fouronnais à des flamands.

 

Dans sa première partie qu’il titre « Fourons ne fait pas partie du Pays de Herve », il tire des conclusions hâtives du fait que le tissage à domicile était moins répandu dans les Fourons que vers Thimister-Clermont alors que seule la distance explique cela.

Il constate que les structures agraires sont différentes mais doit reconnaître que tant à Thimister qu’à Fouron-le-Comte 65% des habitants possèdent 75% de la superficie. Ce n’est certes pas le cas à Fouron-Saint-Martin tandis mais les situations sont tellement différentes d’un village à l’autre dans le Pays de Herve mais aussi dans les Fourons que tirer des conclusions différentes pour les Fourons relève de l’absurde. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les structures agraires de Teuven. Le hameau de Nurop est depuis longtemps divisé en une multitude de petites parcelles dont les habitants sont propriétaires tandis que le village de Teuven et les abords de Sinnich sont constitués de grands domaines.

 

Dans les conclusions de ce chapitre agricole J Baerten délire en affirmant que seule la partie wallonne du duché de Limbourg et du comté de Dalhem participa à l’industrialisation. Or celle-ci était aussi absente de villages tels que Hombourg, Warsage, Bombaye etc.. uniquement parce qu’ils étaient trop distants aussi de Verviers.  Il affirme aussi que les Fourons dans leur ensemble ne passèrent pas à l’économie laitière, contrairement au Pays de Herve. Or il est évident que celle-ci était aussi présente dans les Fourons (sauf à Fouron-le-Comte et Mouland) que dans le reste du Pays de Herve et même plus qu’à Warsage ou Bombaye, plus orientés vers les cultures…Contrairement à ce qu’il affirme, la possession foncière n’est pas plus en des mains extérieures dans les Fourons qu’ailleurs au Pays de Herve. Nurop et Fouron le Comte en sont de parfaits exemples.

 

Sa seconde partie est intitulée « Fourons : un territoire flamand depuis des siècles ».

Il commence par dénigrer le peu d’arguments de l’historien liégeois Jean Lejeune, lequel disposait selon lui de peu d’éléments  pour démonter le caractère francophone des Fourons.  Sans vouloir prendre la défense de J Lejeune qui n’a guère approfondi l’histoire locale de nos contrées, force est de constater que J Baerten et,  sans doute J Lejeune aussi, ne sont pas en mesure de comprendre les spécificités de ces régions.

On le voit à la p 41 (renvoi 58) quand il relate le recensement du 15 octobre 1846 à Hombourg (dont faisait partie Rémersdael) où 89% des habitants se déclaraient « flamands ». J Baerten s’inspirera très utilement des conclusions que nous avons développées à ce sujet dans l’opuscule « Centenaire du Doyenné de Montzen »  paru en 1988, où nous démontrons la farce que constituait tous les 10 ans le recensement linguistique en Belgique où, contrairement à la France, on ne demandait pas aux habitants s’ils parlaient autre chose que les langues dites de culture (français, ABN…) mais où, à défaut d’une telle précision, ils étaient amenés, au gré du sentiment de l’agent recenseur à déclarer « flamand » ou « allemand » le dialecte local qui , tant scientifiquement que linguistiquement , ne peut être assimilé à l’une ou l’autre de ces langues. La seule conclusion exacte qui peut être tirée des dits recensements est que les Fouronnais , comme les Hombourgeois d’ailleurs utilisaient quasi exclusivement un parler germanique mais qui n’est ni le néerlandais ni le « flamand », ni l’allemand.

J Baerten prétend que durant les années 1970 et 1980 des politologues de l’ULG auraient publiés dans le CRISP que la langue première du duché de Limbourg était le wallon et que les contacts entre l’administration et les villages se seraient déroulés en français.

Il enchaîne (p 43) en affirmant que les Fourons étaient administrés en flamand. Et il cite notamment (p 47) le fait que les registres paroissiaux de Teuven  ne sont pas rédigés en latin en 1620-1626 mais en « néerlandais »  Pour un historien, affirmer pareil anachronisme dans une région où cette langue qui n’était pas encore née est révélateur. Il confond allègrement (car sans cela toute sa théorie s’écroule) tout au long de ses deux livres les mots « vlaams », « nederlands », « diets » (flamand, néerlandais, thiois). En l’occurrence, il aurait dû citer un 4ème mot, à savoir « Brabançon » car la langue écrite utilisée au 17ème siècle par certains curés originaires de cette contrée était effectivement le « Bromesch » qui était aussi la langue écrite (non parlée) de la plupart des gens instruits chez nous lorsqu’ils correspondaient avec l’autorité ducale installée en Brabant.

Jamais le terme « néerlandais » ne peut être utilisé pour qualifier ces écrits car le Bromesch (qualification dialectale de cette langue) n’a pas donné naissance au néerlandais. J Baerten répète pourtant un peu plus loin, à propos d’un écrit de l’Ordre Teutonique à Fouron-Saint-Pierre, la même erreur flagrante et inadmissible pour un « historien »   .

 

A la page 48 une carte délimite les territoires « «  flamands » et « wallons »  de l’ancien duché de Limbourg (Dolhain) et de l’ancien comté de Dalhem. On y trouve Bilstain parmi les villages « flamands » mais aussi Raeren, Walhorn, Eupen, Lontzen, etc…et évidemment les « 9 communes de la région de Montzen-Welkenraedt ainsi que les Fourons et Aubel … Il se base notamment sur le fait que les us et coutumes de la Cour de justice de Hombourg (et de Limbourg)  étaient selon lui rédigés en « Vlaams » . Ils sont en Brabançon. Mais il est vrai que durant l’ancien régime les bans du duché de Limbourg étaient dénommés « quartiers flamands » et « quartiers wallons ». 

Encore une fois J Baerten utilise le terme « vlaams » à tort et à travers. S’il avait utilisé ici le terme « diets » (thiois), sa carte aurait été presque valable sauf si le terme thiois est entendu dans l’acception « ancien néerlandais » ou « néerlandais moyen » car , dans ce cas la nécessaire distinction avec l’ancien allemand doit aussi apparaître et c’est là que surgit le problème majeur car J Baerten évacue ce problème.  En réalité , compte tenu de la connotation politique  qu’ont pris par la suite les mots « Vlaams », « Flamand », seules les acceptions   « Diets »,», « Thiois » dans le sens « idiôme germanique » peuvent être admises linguistiquement.

 

Mais J Baerten se complait à parler constamment de rédaction en « néerlandais » à l’époque de Charles-Quint..(p 51 !) alors qu’à ce moment cette langue doit encore attendre près de 300 ans pour…naître.

 

L’auteur attache énormément d’importance à la splitsing judiciaire qui serait intervenue à l’intérieur du comté de Dalhem entre les villages « wallons » ressortissant à la cours de justice de Dalhem et les villages « flamands » ressortissant à la cour de Fouron-le-Comte, laquelle statuait en « flamand » (lire en « brabançon ») . Il situe cette séparation avant le traité de partage entre les Provinces Unies et le pouvoir espagnol (1661), lequel attribua plusieurs villages wallons (dont Dalhem et Olne) aux Provinces Unies (Pays-Bas) tandis que Fourons restait espagnol.  Les assertions de J Baeten qu’il dit reposer notamment sur B Dumont (qui ne tire pas les conclusions que tire J Baerten) nécessitent une étude approfondie des archives.

 

Ensuite il s’intéresse de nouveau au Duché de Limbourg et considère que les recours tirés des  registres du XVIIIe siècle au Ban de Montzen ou de Walhorn sont rédigés en « néerlandais »… Il en tire la conclusion que ceux qui présentent le duché de Limbourg comme une principauté unilingue francophone prennent une certaine liberté avec la vérité.  Nous ne connaissons pas d’historien régional sérieux qui ait affirmé pareille idiotie.

Il ne perçoit pas non plus de trace du français dans les actes notariés dans les Fourons sauf quand une des parties contractantes provient d’un village wallon. Mais il continue à soutenir que la langue utilisée est le néerlandais.

 

A l’époque autrichienne J Baerten fait grand cas d’une contre-proposition de l’intendant Ransonnet du duché de Limbourg  suite à la réforme administrative de 1787 qui ne tenait pas compte des limites dialectales. Ransonnet proposait quant à lui d’en tenir compte mais ne fut pas suivi. J Baerten en tire des conclusions anachroniques « il ne fait aucun doute que Ransonnet traitait le principe de la territorialité pour sortir des problèmes linguistiques. L’homme avait une vision claire des choses mais était manifestement né trop tôt. »  . Continuellement, tout au long des différentes périodes historiques J Baerten essaye de mettre en évidence les applications du principe de la territorialité (appliqué à la limite entre dialectes germaniques et romans) sous l’ancien régime tant au comté de Dalhem qu’au duché de Limbourg. Il serait intéressant de comparer avec ce qui se faisait dans le reste du duché de Brabant à la limite entre le « païs roman » et le « Bromesch ».

 

A la page 60, J Baerten nous apprend que le comté de Looz (actuel Limbourg) aurait été rattaché à Spa ( ?) sur le plan administratif lors de l’arrivée des Français (1794). Mais les Français adoptèrent bientôt des répartitions plus rationnelles bases essentiellement sur les distances (C’est en fait notre thèse exposée depuis toujours pour expliquer la frontière établie alors au nord des Fourons entre les deux départements de l’Ourthe et de la Meuse Inférieure.

 

A la page 65 on peut lire que Fouron-Saint-Pierre appartenait au comté de Dalhem sous l’ancien régime ( ! !) alors qu’il s’agissait d’une terre d’Empire appartenant à l’Ordre Teutonique.

A la même page il se plaint du fait que , malgré son importance démographique, Fouron-le-Comte ne fut pas préféré à Dalhem comme chef-lieu de canton alors qu’ailleurs les français tenaient compte de ce critère. Il attribue ce choix au fait que ce n’étaient que des fermiers et flamands de surcroît. C’est peu probable et pour s’en convaincre il suffit de constater le nombre de villages au sud de Dalhem pour se rendre à l’évidence. Le choix était purement géographique (distances)

 

Il aborde ensuite les recensements linguistiques dans les Fourons au XIXème siècle sans évoquer l’anomalie de ces recensements par rapport au fait dialectal pourtant incontestable à cette époque. L’illettrisme régnait encore à la fin du siècle dans une frange importante de la population qui ne savait s’exprimer que dans le dialecte local. Qu’on ait fait passer celui-ci pour du flamand ou de l’allemand d’un recensement à l’autre n’est pas pris en compte par J Baerten .

 

Il donne d’intéressants chiffres sur la population étrangère dans les Fourons en 1856 et en 1900 et écrit même l’histoire à l’avance en 1995 (p 74) « La présence de néerlandais dans les villages fouronnais est à ce jour mise en évidence par les francophones parce qu’ils pourraient faire vaciller la majorité en 2000. Ils avancent que nos voisins du nord seraient venus ici uniquement pour des raisons fiscales. Pourtant, dans les recensements de 1856 et 1900 nous avons rencontré pas mal de néerlandais… » Il est vrai qu’il ne fait pas la proportion mais elle avoisine les 12 %.  Les chiffres du début du XXème siècle seraient aussi intéressants à comparer.

 

Dans les conclusions (p 78 ) J Baerten fait l’éloge de l’Ancien régime où le principe de la territorialité aurait été selon lui respecté (villages thiois gérés en thiois, villages wallons gérés en wallon ou français) mais tout cet équilibre aurait été mis à mal par le régime Napoléonien qui aurait fait la part belle aux cantons mélangés en plaçant de surcroît les Fourons dans deux arrondissements. Il oublie de préciser que l’ancien régime connaissait plus de limites encore , des enclaves et autres singularités et que l’appartenance linguistique ou dialectale des villages n’était pas un critère pour le régime français où seule la distance par rapport au chef-lieu comptait. Pour le surplus on signalera que dans le canton d’Aubel , principal concerné, les villages à dialecte germanique étaient largement dominants .

 

Dans ses conclusions générales  J Baerten évoque les deux occupations allemandes (avec rattachement au Limbourg) qui, selon, lui tentèrent un « rattrapage » par rapport à la francisation entreprise depuis 1801 dans le département de l’Ourthe puis la province de Liège. Il considère aussi que ce serait le fait que ce soit l’occupant qui ait imposé le rattachement qui le fit mal voir et provoqua les résultats du recensement de 1947. Il oublie évidemment que les Fouronnais se rappelaient beaucoup plus en 1947 les effets pervers du recensement précédent que la parenthèse teutonne.

 

Il refuse ensuite qu’on puisse traiter les Fouronnais d’asexués linguistiques, ce qu’ils étaient pourtant en grande majorité avant 1963 mais il a raison quand il écrit qu’il suffit de leur donner des structures pour qu’ils s’épanouissent. Et de lorgner vers le sort enviable fait à la Communauté Germanophone. Si on avait doté les Fouronnais du statut spécial prévu par la Constitution, ni à Liège, ni au Limbourg mais avec un régime comparable à celui de Bruxelles, jamais on n’aurait parlé d’un « problème fouronnais ». Mais il y a peu de chance que ce soit cela que J Baerten ait voulu dire.

Enfin il s’en prend encore une fois à la faiblesse du dossier scientifique de J Lejeune et prétend avancer quant à lui des arguments scientifiques.

Pourtant il n’a pas voulu comprendre la spécificité de cette population (que J Lejeune n’a pas comprise non plus). Elle ressemble en définitive à celle du Grand-Duché ou de l’Alsace. De souche germanique incontestable par son dialecte qui fait partie de ses entrailles, elle est orientée économiquement, scolairement, géographiquement et historiquement vers la francité.  Pour J Baerten, il s’agit d’un reniement à ses origines. Pour la population concernée, pas du tout mais au contraire, elle ressent cette double appartenance comme une richesse, un plus mais qui va de soi lorsqu’on est situé à la limite de deux cultures. C’est ce qui peut constituer la force d’une contrée (Bruxelles, Bâle, Strasbourg, ….)

 

 

Dans son second livre, un véritable pamphlet contre le comte Lionel De Sécillon, il analyse la période 1921- 1995 en prenant cette fois de gros risque car il classifie quasi toutes les grandes familles fouronnaises en leur attribuant un  sexe linguistique  et, on s’en doute il trouve plus de « vlaamsgzinde » (flaminguants) qu’il n’y en a eu … surtout pour la période d’avant 1963…

 

Il part évidemment d’un postulat de départ complètement faux qu’on pourrait résumer sous forme de définitions : Il ne voit en gros à Fourons ( , comme tout flamingant) que des « vlamingen » encadré par des « vlaamsgezinde » d’une part et , d’autre part,  des francophiles (dont bon nombre sont à ses yeux des « vlamingen ») . Il ne voit que de très rares francophones. Mais le sens qu’il attribue à ces mots est franchement ahurissant :

Pour lui, un « vlaming  » est à Fourons un sujet d’origine belge ou néerlandaise connaissant le dialecte local ou l’ayant entendu dans sa jeunesse , vivant dans les Fourons, qu’il connaisse ou non l’ABN et même s’il s’illustre par  des actes wallingants

Un Vlaamsgezind (flamingant) est pour lui un vlaming fidèle à ses origines et qui milite pour la cause flamande.

Un francophile est pour lui un fouronnais généralement  d’origine wallonne  venu s’implanter dans les Fourons et qui  y défend la cause francophone mais ce peut aussi être un « vlaming » qui a renié ses origines, lequel n’aura jamais la qualité de francophone.

Un francophone est pour lui un Fouronnais d’origine wallonne (donc extérieure aux Fourons).

 

Sur de telles bases il est évidemment inévitable qu’un certain nombre de personnages décrits dans le livre ne partageront nullement  les orientations qui leur sont attribuées et d’aucuns se retourneront assurément dans leur tombe.

 

Il commence par s’en prendre à ceux qui estiment qu’il aurait fallu traiter les Fourons de façon spécifique sur base du dialecte qu’ils revendiquent comme n’étant pas flamand. S’il avait fallu faire un exception pour les Fourons, il craint qu’il n’ait fallu la faire pour toute la Flandre car alors l’ABN qui n’était pratiqué nulle part dans les couches populaires en Flandre n’aurait jamais pu devenir langue d’enseignement, de culture et d’administration.


C’est là qu’il apparaît que J Baerten n’a rien compris.  Sans aller jusqu’à pousser son raisonnement à l’extrême,
la Flandre devrait s’interroger sur l’opération « ABN » entreprise au XIXe siècle.  On peut en tous cas considérer que cette uniformisation linguistique basée sur les cogitation de deux professeurs d’universités, un gantois et un hollandais ont créé de toute pièce une nouvelle langue en faisant réellement table rase du patrimoine linguistique notamment du West-flandrien, du flandrien, du Brabançon , du Limbourgeois . Les spécificités de ces langues de terroir ont été gommées et disparaîtront à la prochaine génération qui les ignore désormais.

Les Grand-Ducaux, eux, ont plutôt fait confiance à des langues existantes depuis des siècles, le français et l’Allemand, puis ils ont entamé une vigoureuse campagne pour le maintien du parler de leur terroir, le Letzeburgesch.(francique mosellan) . A ce jour on peut sans risque de se tromper affirmer que la seule langue régionale européenne qui se sauvera dans 50 ans est le Luxembourgeois. Toutes les autres auront disparu irrémédiablement (comme langue parlée) tandis que les langues dites de culture à commencer par les plus réduites en locuteurs (les langues scandinaves, l’ABN  puis, plus tard l’allemand et le français) verront progressivement leur sphère d’influence fondre comme neige au soleil. Les dernières conquêtes de ces langues disparaîtront les premières (c’est comme langue de l’université qu’elles se sont imposées en dernier lieu au début du Xxème siècle et c’est comme langue universitaire qu’elles disparaissent déjà au profit de la future langue universelle, l’anglais.  Pour s’en convaincre , il suffit de voir le nombre de chaires universitaires scandinaves où seul l’anglais a cours. C’est la même chose aux Pays-Bas et il apparaît qu’en Flandre cela se pratique aussi mais qu’il est interdit d’en parler.

Dans de telles conditions la politique Luxembourgeoise n’est-elle pas plus efficace. Jamais le Luxembourgeois n’a rêvé de faire de sa langue une langue universitaire mais à ce jour il la pratique tandis que les différentes langues typiques qui peuplent la Flandre sont mourantes chez les moins de 40 ans.

Le constat est évidemment le même en Wallonie où le wallon, le picard, le gaumais, le Platdutch et le Luxembourgeois ne se maintiennent que dans les troupes de théâtre à destination d’un public de plus de 40 ans.

 

Si , pour son émancipation,  le mouvement flamand avait prôné un système à la luxembourgeoise (2 première années scolaires en parler régional puis progressivement , l’apprentissage de la langue de culture que tant les petits wallons que les petits flamands avaient peine à pratiquer voici 80 ans, à savoir le français, chaque parler régional aurait été sauvé et on n’aurait sans doute pas connu de problèmes linguistiques en Belgique.

 

Les leaders du mouvement flamand ont cru qu’il fallait uniformiser leurs parlers respectifs… Ils les ont reniés, oui.

En effet, pour utiliser un terme que M. Baerten comprend, puisqu’il est Tongrois, quand un élève  Tongrois ne peut plus « kalle » mais doit « spreken » à l’école sous peine de se faire taper sur les doigts par son instituteur, (J Baerten en a probablement été victime lui-même), il s’agit d’une atteinte non seulement à un patrimoine culturel mais aussi une atteinte aux droits de l’homme dont la langue usuelle fait partie.

 

Dès qu’on veut uniformiser, il faut bien savoir jusqu’où vont les limites des territoires dont on veut uniformiser la langue. Or dans le cas de l’ABN qui est une langue partie du « hollandais » dans le domaine linguistique des parlers « niederdeutsch », la frontière avec l’aire d’influence du haut allemand ne pouvait que donner lieu à des accrochages.

Le long de la frontière germano-hollandaise le problème fut réglé par le tracé de la frontière politique, sans tenir compte le moins du monde des spécificités dialectales locales, lesquelles étaient identiques de part et d’autre de la frontière politique.

Il n’en fut pas autrement plus au sud dans les Fourons, les « 10 communes » et les communes actuellement germanophones.

La spécificité dialectale aurait imposé un seul et même territoire pour une zone partant des environs de Tirlemont le long de la frontière linguistique en direction de Ruremonde et de là vers le Rhin au nord de Dusseldorf puis vers Benrath sur le Rhin,en direction de  Moenchengladbach , l’ouest d’Aix et l’est d’Eupen pour suivre ensuite la frontière dialectale romane jusque Tirlemont.  La zone comprise dans ce triangle est celle où l’on parle le francique Rhéno-mosan aussi appelé le Limbourgeois ou le Francique Carolingien (et oui, c’était la langue du grand Charles !) mais que tout le monde appelle en fait le « plattdutch ». Certes il existe des nuances entre le dialecte de St Trond et celui de Dusseldorf ou celui d’Eupen mais ils appartiennent à une même famille entre les lignes des isoglosses de Panningen et de Benrath.

Les principales nuances ont toutes, sur la carte, une forme de banane et l’on distingue ainsi d’ouest en est,  une zone intermédiaire avec le Brabançon, le Limbourgeois de l’ouest, le Limbourgeois central (avec Maestricht, et Mouland) , le Limbourgeois de l’Est avec Fouron le Comte, Heerlen et Möenchengladbach), une  zone intermédiaire entre le limbourgeois de l’est et le ripuaire de Cologne et Aix avec notamment les 4 autres villages fouronnais, les 10 communes, le canton d’Eupen (sauf Raeren qui est ripuaire) etc

La similitude dialectale n’a nulle part été prise en compte dans la fixation des frontières  et il faut dès lors constater que toutes les frontières humaines sont des frontières arbitraires, imposées pour la plupart par le glaive ou des traités où les populations étaient transférées comme du bétail d’un maître à l’autre. Les frontières nationales ou provinciales imposées en 1794, 1800, 1815, 1816 (traité des limites) 1830, 1839, 1914 1918, 1940, 1945, 1963 pour ne parler que des plus récentes sont toutes arbitraires et aucune n’a tenu compte des populations . Tout au long des siècles, les dominateurs successifs ont certes commis de multiples exactions matérielles à l’égard des populations mais ils n’ont jamais obligé quiconque à parler une langue déterminée. C’est le XIX et surtout le XX qui ont engendré ce fléau (dans le sillage de l’instruction obligatoire)

Avant cela, es prédicateurs et prêtres brabançons ou colonais qui échouaient dans les contrées proches des Fourons apprenaient les rudiments du dialecte local pour pouvoir tenir leur prêche qui restait fatalement teintée de leur idiome d’origine.

Certes les actes écrits se passaient dans la langue du pouvoir central (brabançon en l’occurrence) mais les délibérations se prenaient évidemment en dialecte local (dans un beau mélange wallon-plattdeutsch » aux Etats du Duché de Limbourg.-)

 

En l’absence d’une frontière dialectale fiable dans l’espace de l’ancien duché de Limbourg pour déterminer les limites des aires d’influence respectives de l’Allemand,  de l’ABN  naissant et du français vers lequel ces contrées étaient économiquement tournées,  il était fatal que cela donne lieu à des affrontements . On a vu ainsi les sieurs Grammens, Franssens, Langhor, parler d’une terre flamande pendant que Bischoff parlait d’une terre allemande avant la 2ème guerre. Des philologues locaux tels René Jongen, Léo Wintgens, Armel Wynants et d’autres ont entre-temps remis les pendules à l’heure durant les 30 dernières années et c’est donc avec un amusement certain qu’on redécouvre à la fin du 2Oème siècle un pseudo-historien tongrois (qui commence par dire qu’on s’y perdrait à déterminer la limite entre l’allemand et le flamand)  ressasser des arguments maintes fois entendus chez les pseudo-scientifiques de l’entre-deux guerres.

 

Sans critère fiable pour déterminer la limite entre la zone revenant à l’allemand et celle revenant au néerlandais, il ne saurait être question de fixer cette limite sans tomber dans l’arbitraire. Or les germanistes n’ont pas de critère car les langues allemandes et ABN sont toutes deux établies sur le même domaine germanique.  En clair tout le nord de l’Allemagne aurait très bien pu (si les conquêtes politiques l’avaient permis) parler à ce jour ABN tout comme l’ensemble des Pays-Bas et de la Flandre pourrait très bien parler aujourd’hui allemand si les convulsions politiques en avaient décidé ainsi.

 

Par conséquent la région située au carrefour des 3 langues n’a pas accepté qu’on détermine à sa place la limite d’influence des langues et ce n’est évidemment pas la farce décennale du recensement linguistique (qui ignorait le fait dialectal) qui a pu clarifier la situation.

La dite région opta rapidement pour un système hybride avec certains services en français, d’autres en néerlandais et d’autres en allemand.

Avant 1914 on prêchait en flamand à Aubel centre, en français à Saint-Jean-Sart et en allemand à La Clouse (3 localités situées sur la même commune d’Aubel). L’administration était en français à Hombourg et on parlait allemand en chaire de vérité (et patois derrière les piliers au fond de l’église) et à l’école 

Les lois de 1932 furent vraiment ressenties comme une ingérence intolérable du pouvoir central dans une région paisible qui craignait à juste titre que cela n’ébranle un fragile équilibre qui convenait à tous.

 

Tout cela, J Baerten ne veut pas le comprendre et c’est ce qui le mène à   se fourvoyer dans ses descriptions du comportement des acteurs locaux de l’époque dans les Fourons.

 

Dans sa description des acteurs locaux de la politique teuvenoise, il prend souvent comme critère pour déterminer l’opinion politique d’un conseiller communal, le fait qu’il ait choisi pour ses enfants un école francophone ou néerlandophone. Il ignore que cela ne veut rien dire, que par soucis de bilinguisme, bon nombre de fouronnais placent leurs enfants dans l’autre régime linguistique (encore aujourd’hui).

Il existe des flamingants incapables d’aligner 5 mots d’ABN  correctement comme il existe des wallingants incapables de parler correctement français. Cela fait partie de la réalité fouronnaise et les critères de J Baerten paraissent bien dérisoires dans de tels cas.

Il essaie aussi de faire croire que les leaders « francophiles » faisaient volontiers appel à des candidats originaires de Wallonie. Il devrait savoir que s’ils n’étaient pas vraiment  assimilés à la population locale, ils n’avaient électoralement aucune chance.

Les conclusions relatives à Teuven (p 23) sont par ailleurs sujettes à caution mais comme ces lignes sont remplies de sous-entendus, il est difficile de savoir de qui il parle.

 

A Rémersdael J Baerten considère comme « importé » tout qui est né à Moresnet, Hombourg ou Aubel … alors que ce sont de bons patoisants comme les fouronnais.

Il essaye d’opposer linguistiquement la liste « Hollands » de 1958 (emmenée par un « ex-néerlandais » et celle d’un « importé » de Rochefort (qui a vécu dès 6 ans à Rémersdael en parfait patoisan !) André Schmets, Il écrit : « tegenover de te Vlaams bevonden lijst Hollands ontstond in 1958 de francofilele lijst  van de waal Schmets »  alors que seules des contingences locales hors de tout contexte linguistique opposaient ces listes. Baerten délire ensuite complètement quand il écrit que le décès de L Hollands (1960) fut « une catastrophe pour les flamands » notamment à cause du passage de Straetmans dans l’autre camp. La quasi inexistence de flamands se revendiquant tels à Rémersdael à cette époque suffit à démontrer l’absurdité de ces phrases.

De même en 1970 lorsque V Taeter opposa une seconde liste à dominante francophone , J Baerten essaye de la cataloguer « la plus flamande » parce que le 3ème élu,J Rouvroye (ex néerlandais éprouvant des difficultés en français), a prêté serment en néerlandais.

Bref il essaye désespérément de dépeindre comme flamands tous ceux qui ne sont pas originaires de Wallonie…

 

A Fouron-Saint-Pierre il détermine aussi le sexe linguistique tant des individus que des listes en fonction du lieu de naissance. Le hasard fait qu’une majorité de conseillers ne sont pas natifs de Fouron-Saint-Pierre (mais il semble ignorer qu’ils ont pour la plupart épousé une autochtone) . En 1938 il considère ainsi que la liste « flamande » de London a cédé sa majorité en 1938 par des remplacements au profit de non-autochtones . 

Dans un chapitre intitulé « La chasse aux flamands » il évoque à sa manière l’épisode de J.London, qui était certes flamingant mais ne fut pas écarté au lendemain de la guerre pour cette raison mais pour sa collaboration avec le régime allemand.

Dans la rivalité Geurts/Steins, où les protagonistes se servaient apparemment de l’argument linguistique pour dénigrer leur challenger aux autorités de tutelle, J Baerten ne se rend pas compte qu’il est bien difficile de donner une coloration politique linguistique à des individus qui se groupent en fonction d’autres critères.  En 1958, J Baerten croit déceler une polarisation plus poussée avec une liste CVP (J London), une PSC (avec le duo Geurts/Steins…) et une liste Stassen. Il nous paraîtrait étonnant que les colorations CVP et PSC mentionnées par J Baerten  figurent  sur les documents officiels pour la simple raison que ces deux partis n’en formaient qu’un seul à l’époque. D’autre part, ce parti n’avait pas l’habitude de laisser afficher son nom par l’une des listes en compétition  dans les communes où, comme à Fouron-Saint-Pierre toutes les listes d’intérêts communaux étaient généralement  de son obédience, ce qui est aussi le cas pour la 3ème liste évoquée.  En 1964 la « récréation » des intérêts communaux divers est évidemment terminée et les listes sont alors « Retour à Liège » et la liste flamande. Et J Baerten d’y aller d’un nouveau couplet sur le caractère non autochtone de la majorité des conseillers.

Ainsi Maurice Stassen né à Aubel en 1922 mais venu habiter Fouron-Saint-Pierre à 8 ans est un « waal » . Sa mère est pourtant la fille du bourgmestre Schoonbroodt de Fouron-Saint-Pierre qui présida aux destinées de Fouron-Saint-Pierre pendant près de 3 décennies… (jusqu’en 1921).

J Baerten découvre aussi que sous le même nom de famille on peut voir des soutiens de listes différents dans les familles Geelen, Snoeck…

Il fait aussi grand cas du fait que Maria Vaessen, l’épouse de l’ancien bourgmestre Steins,  soutient en 1964 la liste flamande, ce qu’elle fit encore, devenue veuve,  en 1970 . E J Baerten de conclure « de fransquillonne, comme son mari, elle redevient une femme fouronnaise flamande ». Il est vrai que sa famille originaire de Veurs (Fouron-Saint-Martin) était bien teintée flamande depuis longtemps. 

En conclusion il constate une relative stabilité linguistique à Fouron-Saint-Pierre où, selon lui, seule la famille Crutzen d’origine plutôt flamande  en politique est devenue « francophile » suite à l’influence de la répression…

 

On doit reconnaître à J Baerten une documentation fouillée sur Fouron-Saint-Pierre mais il sous-estime très nettement l’importance des mariages dans la filiation linguistique des personnages qu’il décrit.

Il est évident que la paix des ménages exigeait que celui qui portait la culotte impose à son partenaire sa vision linguistique (car à l’époque on ne divorçait pas). Mais dans ses classifications il classe arbitrairement comme « étranger » au village des personnes dont le côté maternel est de pure souche locale…

 

A Mouland, J Baerten relate la lutte entre Walpot  et Tossings avant, pendant et après la 2ème guerre mondiale. Il affirme que les seuls reproches faits à Walpot, arrêté après la guerre, relèvent de son flamingantisme. Walpot prétendait appliquer la loi, y compris la loi linguistique très controversée de 1932. J Baerten affirme aussi que la seule présomption de flamingantisme suffisait à le maintenir en détention.  Toujours est-il que Tossings revint aux affaires en 1946 et ce avec une liste unique.

Il fut toutefois renversé en 1952. « La Meuse » du 13 janvier 1953 affirme que c’était le triomphe d’une liste prônant le bilinguisme. J Baerten considère pour sa part la liste « Janssen » comme flamande homogène. Il relève un rapport du commissaire d’arrondissement qui constate, « plutôt que des querelles linguistiques, des luttes de clans axées sur quelques personnalités remuantes ». Il y a une section FNC « Tossings » à Mouland tandis que celle du bourgmestre Janssen est affiliée à la section de…Visé. La situation se maintient en 1958 mais bascula en 1964 après le rattachement.

 

J Baerten reconnaît que des familles importantes de Mouland sont partagées assez tôt entre le clan « francophile » et le clan flamand (ex la famille Broers)  mais  les familles « flamandes » qui passent ainsi dans l’autre camp sont qualifiées d’ « opportunistes » par lui…

 

A Fouron-Saint-Martin c’est la personnalité de Jean Teney, flamand convaincu mais prudent qui émerge seul. J Baerten relève que malgré des plaintes introduites contre lui au lendemain de la guerre, il ne fut pas inquiété. Il le devrait au fait qu’il n’aurait pas encouragé l’implantation des organisations corporatistes limbourgeoises à Fouron-Saint-Martin. Il conforta d’ailleurs sa majorité en 1946. En 1952 il parvint à réaliser une liste unique et il meurt en 1957.

J Baerten relève que l’échevin Vaessen le remplaça durant un an mais ne put se maintenir face à une liste « francophile » emmenée par Albert Lang qui devint bourgmestre mais meurt en 1961. Il est remplacé par Joseph Beuken jr. (lequel se montra, comme on le sait, peu francophile au moment du rattachement au Limbourg et passa d’ailleurs dans l’autre camp après le rattachement). Ceci implique que J Baerten doit reconnaître qu’il généralise beaucoup trop le caractère homogène des listes présentées. La liste qu’il présente comme francophile l’est dans sa majorité mais pas intégralement.  Les contingences locales autres que linguistiques jouaient encore fortement jusqu’aux élections de 1958.

Sa manie à cataloguer les gens en fonction de leur origine lui est encore une fois fatale. Il considère la présence de J Beuken sur la liste Lang comme normale puisque J Beuken provient de Melen. Pour J Baerten un vrai « wallon » sur une liste « francophile » est une situation normale. Ce qu’il oublie une fois de plus, c’est que J Beuken est bien intégré à Fouron- Saint-Martin, dans les milieux flamands. J Baerten ne nous dit rien non plus de son mariage…

 

A Fouron-le-Comte J Berten relève en 1921 deux listes : la catholique avec 8 sièges et la libérale avec 1 siège. C’est le seul village fouronnais où l’on relève une luttte politique « nationale ».  Le bourgmestre catholique Jean Steenebruggen  se maintient jusqu’en 1930 (année de son décès) malgré une dissidence des « Travailleurs Chrétiens » qui lui prennent deux sièges en 1926. Son successeur Alphonse Hanssen né à Aubel d’un père hollandais et d’une mère belge a été bourgmestre de … Mheer (Limbourg Hollandais) pendant 3 ans mais devint belge par son mariage. Il ne put se maintenir en 1932 où apparurent …6 listes. Il fut seul élu de la sienne. Une liste emmenée par Armand Belboom emporte 5 sièges et confie le maïorat à Henri Broers. Sans qu’il ait d’aucune manière qualifié de flamande ou de francophile l’une des listes jusque là, voilà que J Baerten décrète que cette liste qui se maintint jusqu’à la 2ème guerre mondiale était une liste flamande qui perdit ses deux piliers  H Broers et A Belboom au début de la guerre. Hubert Belboom lui succède jusqu’à la fin de la guerre où le poste de bourgmestre est confié à Julien Stassens, originaire de Teuven, lequel rafle 7 des 9 sièges aux élections de 1946.

C’était manifestement une liste de rassemblement mais que J Baerten considère comme francophile…alors que le thème linguistique n’était peu ou pas abordé.

La liste d’opposition nantie de 2 siège en 1946 se voit qualifiée de flamande et obtient la majorité en 1952. Parmi ses élus,  il cite l’ancien militaire du Congo Max Michiels. Il reconnaît toutefois que la liste porte le nom de « « Nationale Unie » mais qu’elle était en fait la liste flamande du groupe des « Piejkvotten » tandis que Stassens était le leader des « Roemelen ». Simplifier à ce point la lutte des Piejkvotten et de Roemelen à une lutte « flamands » - « Wallons » relève de l’enfantillage car ces luttes folkloriques n’ont à cette époque aucune connotation linguistique.  La liste Piejkvotten renforce légèrement sa majorité en 1958.

J Baerten s’étonne que même dans la liste majoritaire (de Michiels ) qu’il taxe de flamande, il puisse y avoir des élus originaires de Wallonie, (Hessel de Visé, Ernens de Hombourg et Tychon de Berneau). Ce n’est évidemment pas difficile puisque, pas plus que sa rivale, cette liste n’est « flamande ». Elle est seulement composée de façon homogène de Piejkvotten  comme l’autre est tout aussi  homogènement composée de Roemelen .

 

Il s’étonne alors que sa « majorité » flamande perde les élections de 1964. Il dit « Le 11 octobre fut un jour noir pour les flamands de Fouron-le-Comte car leur majorité bascula par le passage du bourgmestre Michiels vers l’opposition francophile. La défaite 6-3 était pour lui  comparable à celle de Fouron-Saint-Martin  6 ans auparavant après le décès de J Teney. Il attribue en fait les défaites flamandes aux pertes (par décès ou transfuge) d’un candidat porteur de voix. ..

Ses classifications à Fouron-le-Comte sont des plus absurdes mais il faut lui reconnaître des recherches très fouillées.

Il écrit ainsi à propos de la famille Lhomme : « Plusieurs fois nous avons constaté que des anthroponymes francophones témoignent certes d’une immigration wallonne mais sans nécessairement signifier une appartenance francophile. Lhomme en est un bel exemple. L’ouvrier Hubert et un commerçant homonyme n’hésitèrent pas à soutenir la liste flamande de Michiels. En tant que pensionné, Hubert signa aussi la liste Broers en 1970. L’agriculteur Arsène  et l’étudiante Danielle signèrent 6 ans plus tard la même pour la fusion. Cela n’empêche pas Arsène et René en 1963 et en 1965 de demander un enseignement en français. Il était donc possible à la foi de demander en même temps le rattachement au Limbourg et un enseignement en français »

Chacun qui connaît Arsène Lhomme, une des figures les plus typiques de Fouron-le-Comte sait qu’il était un Piejkvot convaincu et donc partisan de Max Michiels, que lors de la splitsing du village en flamands et wallons remplaçant les traditionnels Piejkvotten et Roemelen il devint un flamand très modéré (que ses démarches de 1963 et 1965 expliquent.). Il est un fervent praticien du patois typique de Fouron-le-Comte. Sa fille Danielle mariée à un négociant en fourrage d’Aubin-Neufchateau, pur wallon anti-flamand est enseignante à l’école provinciale flamande où elle enseigne le …français mais elle habite Aubin-Neufchateau...

Voilà des réalités fouronnaises que Jean Baerten ne pourrait comprendre  car il ne connaît pas les gens dont il parle et leur parcours parfois complexe. La simplification est ici la pire erreur et il la commet bien trop souvent.

 

Dans sa synthèse sur l’ensemble des familles de la commune il commet aussi différentes erreurs.

Relevons au passage son classement abusif des Dodemont de Rémersdael dans le camp flamand (p 62) tout comme différentes simplification abusives dans son résumé des pages 63-65.
Il ose donner des pourcentages « flamands/wallons » en 1952 à Fouron-Saint-Martin alors que la configuration du Conseil Communal n’a pas été organisée linguistiquement.

Contrairement à son affirmation (p 65), il n’y a évidemment pas de majorité flamande à Rémersdael en 1958. Il n’y a même pas un élu qui se revendiquait flamand à cette époque dans cette commune. Le décès du bourgmestre Léon Hollands n’apporta aucun « désarroi dans le camp flamand »   car il n’y avait pas de camp flamand à Rémersdael, pas plus en 1958 qu’en 1970 où la seconde liste n’était pas non plus flamande.

En conclusion : les généralisations et simplifications que commet J Baerten pourraient paraître « normales » dans un pamphlet flamingant mais il prétend que ses deux livres sont des œuvres à caractère historique car il se revendique de sa qualité d’historien.

En fait il déshonore la corporation des historiens qui tiennent à des analyses objectives.

 

 

Dans la partie relative à la commune fusionnée (p 67) on constate dès la première page qu’il vaut mieux être natif de Hongrie et d’opter pour la langue flamande plutôt que de naître à Sippenaeken (Joseph Pinckaers) ou Eupen (Jean-Louis Xhonneux).
Dans les conclusions du chapitre, il affirme que les 6 communes fouronnaises en province de Liège eurent plus de difficultés à s’émanciper des noblions francophones que les autres communes flamandes. Il ne vise pas seulement Rémersdael et Teuven mais aussi Fouron-le-Comte et plus spécialement le « rentier A Hanssen, ex-néerlandais devenu belgiciste et donc antiflamand et francophile » Celui qui écrit cela s’affirme historien…

A la page 72 il revient encore une fois sur les effets de décès de bourgmestres auxquels il attribue des déconfitures flamandes. Dans le cas de Rémersdael, c’est évidemment inexact.  Il ne comprend pas non plus que des personnes non natives des Fourons mais de la Wallonie aient pu devenir bourgmestres dans les Fourons. C’est généralement par mariage qu’ils sont devenus fouronnais et comme il n’existe aucune différence ni de langue ni de mentalité avec les communes liégeoises voisines dont ils proviennent, leur intégration fut facile…

 

A la page 82, J Baerten se désole de voir dans le comité de défense formé par les bourgmestres suite à l’application des résultats du recensement de 1930, le nom de Henri Broers (« qu’on n’attendait pas dans ce comité »), une preuve de plus qu’il a classé arbitrairement comme flamands des personnes qui n’avaient nullement d’accointances flamandes à cette époque. Il s’étonne de l’absence du bourgmestre Janssen de Mouland « qui aurait mieux convenu dans cet aéropage  que son collègue Broers» 

 

P 87 il se plait à souligner que les fouronnais ne s’entendent pas sur le caractère de leur patois. Ils affirment que ce n’est pas du néerlandais mais un patois allemand  alors que, dit J Baerten, les dialectologues s’arrachent les dents la dessus. Il souligne que Grammens avait remarqué que les Fouronnais essayaient par ce biais d’avoir un régime identique aux habitants de la région de Montzen (qui étaient passés au français après la première guerre mondiale et échappèrent ainsi aux conséquences administratives du recensement de 1930).

L’auteur souligne aussi que les Fouronnais ne pouvaient évidemment pas prétendre mieux parler le français que l’ABN car s’ils parlaient une autre langue que le patois, c’était en fait le wallon, au contact avec les agriculteurs du sud. Il faut souligner ce trait exact dans l’analyse de l’auteur car elle reflète la vérité.

Il exhibe aussi une question parlementaire de 1936 de M Vaes qui tempêtait au Sénat contre le fait que les bourgmestres de deux communes flamandes (Rémersdael et Teuven) ne connaissaient pas le flamand et il demandait au ministre si cette raison était suffisante pour ne pas appliquer la loi linguistique de 1932. Non répondit le ministre. Juste auparavant J Baerten a tout de même évoqué le fait que les Fouronnais rechignaient à appliquer les résultats du recensement parce qu’au moment de celui-ci il n’avaient pas connaissance des conséquences administratives inédites qu’auraient ces résultats.

 

Il titre le chapitre relatif au recensement de 1947 « La vengeance des francophiles ». ..Et il essaye encore de prouver qu’une majorité de fouronnais se seraient déclarés flamands à ce recensement là…car, pour lui, ceux qui sont bilingues sont évidemment flamands…

Il évoque les affirmation de manipulations de Van Laar et les réfutations d’A Wynants et dit que si on peut comprendre que beaucoup de francophiles se sentirent roulés par l’application du recensement de 1930, il ne comprend pas pourquoi la « vengeance » n’est venue qu’en 1947 et pas aux élections communales de 1938 où, selon lui les majorités flamandes se trouvèrent renforcées. 0r ce n’étaient pas des majorités flamandes mais de purs intérêts locaux qui existaient avant guerre jusqu’au clichage de la frontière linguistique. Et c’est bien pour cette raison qu’aucun mouvement n’apparut aux élections communales de 1938 qui avaient des enjeux purement locaux. La question linguistique ne monopolisait pas encore l’opinion fouronnaise à cette époque.

 

A la page 104 il évoque des manipulations dans les « déclarations du père de famille » en décembre 1954 et avril 1955 concernant la langue parlée par les enfants en application du régime scolaire dans l’enseignement. Il signale des délibérations communales annulées pour ce fait. Il constate que des « majorités flamandes » telles que celles de Janssen à Mouland et Michiels à Fouron-le-Comte se livrent à ce jeu pro-francophile, de même que « l’ex-néerlandais et vlaamsgezind (« flamingant ») Hollands à Rémersdael « et le francophile Steins à Fouron-Saint-Pierre. J Baerten se désole ensuite en écrivant : « De ce qui précède on peut tirer la conclusion que même des bourgmestres flamands sortirent du droit chemin pour faire plaisir aux francophiles ».  Aucun des bourgmestres classés comme flamands voire flamingants n’avait évidemment ce profil et cette attitude pro-francophone en est même la preuve mais J Baerten ne veut pas comprendre car cela détruit toute sa thèse selon laquelle tout qui naît fouronnais est flamand et tout qui naît à Aubel, même s’il ne parle que le patois est francophile (Steins)…

P 109 J Baerten essaye de monter un épingle la lettre des 4 bourgmestres « de l’ouest » (ceux de Rémersdael et Teuven ne l’ont pas signée) le 25 octobre 1961 qui écrivaient que leurs communes étaient flamandes mais qu’ils demandaient un enseignement renforcé du français.  J Baerten croit pouvoir y déceler la fin du terrorisme qu’aurait exercé L De Sécillon sur les autres collègues… alors qu’il s’agissait tout au plus d’une manœuvre, certes maladroite et manipulée, pour tenter d’obtenir l’enseignement renforcé du français.

 

A la page 113 J Baerten essaye de faire croire que lors d’une réunion des mandataires fouronnais tenue à Aubel en 1961  le sénateur Baltus aurait admis le caractère flamand des Fourons. Albert Baltus avait le platdutch comme langue maternelle (il est originaire de Hombourg) et connaissait très bien la situation. Il précisa d’ailleurs au Sénat que le néerlandais avait dans les Fourons le même rôle que le latin, celui d’une langue morte qu’on utilise dans le rituel et à l’école mais jamais sur la cour de récréation ni en rue. Ceci était bel et bien la vérité. J Baerten lira très utilement l’opuscule consacré aux 20 ans du rattachement des Fourons au Limbourg.

J Baerten parle de clichés quand les francophones refusent que leur dialecte soit considéré comme du néerlandais (p 126) . Il devrait pourtant savoir qu’aucun dialecte ne peut être assimilé à une langue de culture. Chaque dialecte est en réalité une langue qui a eu politiquement moins de chance. L’impérialisme des langues de cultures leur a octroyé une aire d’influence débordant sur des territoires appartenant à des langues voisines qu’elles soient proches phonétiquement ou non (les exemples suivants sont faciles à comprendre : le français en Bretagne, en Flandre française ou en Alsace,   le néerlandais en Frise, ou l’Allemand à Malmedy avant 1918.) Mais dans les territoires appartenant à des langues de la même famille, l’impérialisme n’en est pas moins aussi envahissant. Le dialecte limbourgeois de Tongres a dû céder devant l’ABN et tant pis si M Baerten se plaisait à « kalle » durant sa jeunesse. Aujourd’hui il doit « spreken » même quand il revient à Tongres.  Le fait de cataloguer comme « néerlandaise » la langue parlée par des enfants alors qu’ils s’exprimaient en platdutch était une véritable atteinte aux droits de l’homme (la pratique a par ailleurs été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme mais la Belgique n’a toujours pas entériné la chose)

Il est évident que le reste des enfants  de la Flandre ne parlait guère plus l’ABN que les petits fouronnais mais contrairement à ces derniers les familles de Flandre acceptaient d’abandonner leur culture séculaire aux savoureuses expressions typiques et lui préférait un ersatz unifié pour former une « grande » nation. C’était un choix mais il ne fallait pas vouloir l’imposer à ceux qui ne se sentaient aucune affinité avec cette décision. .. J Baerten considère (p 138) « qu’on a dénationalisé les enfants avec les facilités prévues pour une minorité francophone  mais qui furent exploitées par une majorité francophile dont on avait chauffé les esprits »…

Et le droit des gens dans tout cela ? S’il plaisait aux fouronnais de parler désormais plutôt français qu’ABN ? C’était un droit humain inaliénable mais il n’en a cure. IL appelle cela de la « dénationalisation »…

 Et puis il s’étonne que les parents qui à Mouland signaient pour un enseignement en français étaient« Vlaamssprekend »…

Dans ses conclusions à la page 153, il ne cache plus son fond. « il n’y avait pas de raison de traiter le dialecte fouronnais autrement que les autres dialectes flamands pour déterminer la langue de l’enseignement . Ce problème aurait dû être réglé légalement et de façon étanche avant qu’on ne reconnaisse des facilités ». Dans son esprit donc, il aurait fallu renier le dialecte au profit de l’ABN comme l’on fait les flamands et puis examiner si les quelques francophones immigrés pouvaient recevoir des facilités. Elle est belle la démocratie à la Baerten. C’est en définitive exactement un énergumène à la Grammens !

Dans sa conclusion (dont il existe une version française qui résume assez bien ses thèses) il nie qu’il y ait eu un problème fouronnais ( !) Il aurait suffi selon lui d’un commissaire spécial pour mettre le bourgmestre de Teuven Lionel de Sécillon au pas en 1932 …

 

Quand on a fini de lire la prose de Jean Baerten on est convaincu que des énergumènes de ce type sont irrécupérables pour la démocratie.  Quand une population se rebelle contre l’imposition d’une langue qu’elle estime contraire à ses intérêts , il y voit de la manipulation , du terrorisme intellectuel , des pressions inadmissibles…

 

Toujours est-il que le bilan de 40 ans de luttes sournoises avant 1963 et de 40 autres années de lutte ouverte après 1963 est lamentable. Une population qui avait vécu en harmonie parfaite jusque là s’est divisée de façon définitive en deux clans opposés avec des clivages dans les familles et les villages, en coupant la vie associative en deux. Tout cela parce qu’on a voulu régler le sort des fouronnais sans se soucier de leur avis.

Si le régime existant avant 1932 avait subsisté, il est probable que les Fouronnais dans leur ensemble seraient restés attaché à leur dialecte mais auraient tous adopté le français comme langue de culture et d’enseignement, comme cela s’est pratiqué dans la région voisine à l’est.(où le théâtre dialectal est très vivant)

Maintenant le dialecte est en voie de disparition dans les Fourons, au profit de deux langues étrangères à la région, l’ABN et le Français. . 
Le XXème siècle présente cette particularité d’avoir à la fois généralisé l’enseignement des masses en Europe mais d’avoir en même temps favorisé la plus grande aliénation culturelle de tous les temps, à savoir la disparition en Europe de centaines de langues régionales originales, savoureuses, pittoresques et qui faisaient partie du patrimoine de l’humanité. Il a sauvé (mais aussi détruit) beaucoup de belles pierres mais il aura abandonné un patrimoine au moins aussi estimable que sont ces langues régionales au profit de langues de culture qui disparaîtront chacune à leur tour au XXIIe siècle.

L’affaire des Fourons n’en est qu’un épisode sans doute célèbre parce qu’il se déroule à la limite de deux plaques tectoniques, celle de la romania et de la germania.. .mais c’est toujours à ces limites que se déroulent les tremblements de terre …

                                                                                     Albert STASSEN

 

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